Approche théorique et question de recherche

Comment intégrer le sexe/genre à la question de recherche ?
Réfléchir aux motivations derrière la prise en compte du sexe/genre
Faire un travail de réflexion sur l’intégration du sexe/genre en amont de la question de la recherche permet d’identifier les motivations de cette prise en compte. Ces motivations peuvent s’ancrer dans des cadres théoriques féministes, des valeurs personnelles, une demande de parties prenantes, etc.
Il est essentiel que cette compréhension soit partagée dans l’équipe. Pour ce faire, on peut recourir à des approches de co-construction et des méthodes mixtes intégrant des processus pédagogiques où les parties prenantes apprennent les unes des autres (ex. comités de pilotage ou d’encadrement du projet de recherche, ateliers d’échange sur la question du sexe/genre).
Pour aller plus loin :
Réaliser des investigations préliminaires avant de définir à la question
Une compréhension fine de la situation locale peut aider à cerner les orientations à donner au projet et s’assurer que les questions de recherche reflètent les priorités et les réalités des communautés participantes et parties prenantes du projet.
Par exemple, on peut réaliser des analyses préliminaires, qualitatives ou ethnographiques pour bien comprendre les dynamiques en place dans le milieu – il faut tenter de voir l’invisible par le biais d’observations ou d’entretiens exploratoires.
« …il faut commencer quelques projets avec une période d’investigation qualitative, d’investigation ethnographique par exemple pour connaître la situation […] »
(Vécus d’experts, d’expertes, résultats d’un projet de l’équipe GESTE)
Pour aller plus loin :
Déterminer s’il faut que la prise en compte soit implicite ou explicite dans la question
Selon le niveau de familiarité avec le sujet et l’ouverture des partenaires à aborder de front les enjeux de sexe/genre, il peut être utile de formuler une question qui aborde ces enjeux de manière sous-entendue ou tacite
Par exemple :
Objectif exprimé: Évaluer les facteurs de risque de troubles musculosquelettiques dans des postes de travail variés;
Objectif sous-entendu/implicite: Analyser des postes typiquement masculins et féminins afin d’offrir des interventions qui concernent les femmes autant que les hommes, malgré une préconception que les emplois tenus par les femmes sont moins pénibles.
À l’inverse, si les partenaires et collaborateurs s’entendent sur la pertinence sociale et scientifique à traiter le sexe et le genre dans une perspective d’équité ou de transformation du sexe/genre, il est suggéré de faire état explicitement de ce but pour aborder plus rapidement et directement les mécanismes expliquant la disparité de traitement dans la recherche. Ce type de prise en compte est plus susceptible de mener à des transformations systémiques, au-delà du milieu de recherche participant.
1er exemple – tiré des travaux de GESTE en santé au travail (Laberge et al., 2020)
Ces deux approches (implicite / explicite) surgissent souvent dans des contextes différents en ce qui concerne la reconnaissance ou non des sources d’iniquité par les milieux partenaires. Les résultats ont montré que ces deux façons de traiter les considérations relatives au sexe et au genre peuvent conduire à des impacts différents.
L’analyse des travaux des membres de l’équipe GESTE a montré que les initiatives traitant explicitement des enjeux d’iniquités dues au sexe et au genre obtiennent des impacts au niveau des pratiques et politiques à un niveau systémique, au-delà du milieu de travail dans lequel l’étude a eu lieu. C’est le cas des études menées dans le cadre du partenariat « L’invisible qui fait mal » entre 1995 et 2010 rattaché au Centre de recherche interdisciplinaire sur le bien-être, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE). Il est difficile, voire impossible, d’avoir un impact majeur sur les rôles genrés et les attributions de tâches au cours d’une intervention locale à court terme sans l’adhésion de la direction. Les études ancrées dans des milieux de travail, souvent réalisées à la demande de l’employeur, qui ne « voient pas » ou qui ne souhaitent pas aborder le sexe/genre provoquent des impacts en termes d’amélioration des conditions de travail qui somme toute améliore l’équité et la santé des travailleuses (ex. : ajustements des postes de travail, formation, organisation du travail visant à une meilleure équité).
2e exemple – tiré des travaux de GESTE en santé au travail (Laberge et al., 2021)
Dans cette étude visant à décrire comment de futurs intervenants et intervenantes en ergonomie considèrent le sexe/genre dans leur stage d’intervention, on a remarqué un malaise à considérer le sexe/genre directement et explicitement dans toutes les conduites de projet (n=5 étudiants et étudiantes suivis·es). Cela dit, plusieurs ont fait des actions dans la conduite de leur intervention qui ont permis de le prendre en compte, par exemple : présenter des résultats d’analyse en précisant le sexe/genre des personnes salariées étudiées, rendre visibles des difficultés à des postes jugés moins pénibles a priori (souvent occupés par des femmes).
Pour aller plus loin :
Impliquer les parties prenantes dans la formulation des questions de recherche
L’implication des partenaires dans la formulation de la question de recherche peut constituer une étape clé afin que celle-ci reflète leurs priorités et besoins de connaissances.
On peut mener différentes actions préparatoires pour discuter avec les partenaires d’une question de recherche prenant en compte le sexe/genre (Note : voir stratégie Sensibilisation au sexe/genre dans la section Construction et maintien du partenariat).
Il peut aussi être aidant de discuter de mobilisation de connaissances dès la construction du partenariat car cela concrétise les retombées souhaitées pour le projet et donc peut aider à cerner la portée de ce que l’on souhaite étudier ou sur quoi intervenir.
Pour aller plus loin :
Accueillir les propositions des partenaires
Les partenaires perçoivent et subissent les conséquences des problématiques ciblées par le projet. Elles et ils peuvent amener des angles nouveaux que la recherche académique n’avait pas identifiés, mais qui sont pertinents pour les milieux. Laisser émerger leurs visions et les opérationnaliser dans la question de recherche constituent la base d’une posture de co-construction.
Pour aller plus loin :
Trouver “la dose” nécessaire de sexe/genre selon la question de recherche et la demande partenariale.
Il peut y avoir des degrés de prise en compte du sexe/genre entre “ne pas en tenir compte du tout” et “systématiquement et toujours en tenir compte” : il peut s’agir d’une variable, d’un objectif secondaire, d’un thème principal.
La prise en compte des besoins et demandes du milieu peut se faire en parallèle des besoins en matière de connaissances scientifiques.
On peut faire évoluer les partenaires sur ces questions, et un « non » initial peut devenir « oui » dépendamment des résultats.
Pour aller plus loin :